Les constructeurs européens vantent leurs mérites écologiques. Photo: Reuters / Stephane Mahe
  • La « décennie perdue » : l’essor des véhicules électriques retardé par la réglementation

    Les objectifs européen sont trop bas, et ne contraignent pas les constructeurs automobiles à respecter leurs plans de production de véhicules électriques à batterie.

    Selon de nouvelles données, l’essor européen des voitures électriques risque d’être retardé, compromettant la vente de 18 millions de véhicules à batterie électrique. La réglementation européenne sur les véhicules propres a propulsé les ventes de véhicules électrifiés, qui représentent maintenant près d’un cinquième du marché. Mais les objectifs fixés entre 2022 et 2030 sont trop bas, et ne contraignent pas les constructeurs automobiles à respecter leurs plans de production de véhicules électriques à batterie, ce qui pourrait donner lieu à l’émission de 55 millions de tonnes de CO2 – soit plus que les émissions annuelles de toutes les voitures en Espagne, d’après l’analyse de Transport et environnement (T&E).

    Cette analyse montre que l’objectif de l’Union Européenne pour 2025 visant les constructeurs automobiles est tellement bas qu’il sera atteint deux ans en avance. Alors que la France vise une réduction d’au moins 47,5 % des émissions nationales d’ici la fin de la décennie [1], les constructeurs risquent fort de ne pas contribuer à cet effort. Faute d’objectifs plus ambitieux à destination des constructeurs à partir de 2025 – y compris un objectif intermédiaire en 2027 et une réduction du CO2 lié aux voitures de 80 % par rapport à aujourd’hui – il sera très difficile pour les États membres d’atteindre leurs objectifs climatiques nationaux d’ici 2030.

    Selon Diane Strauss, directrice France de T&E : « L’essor des véhicules électriques a été encouragé par la réglementation européenne sur les véhicules propres, mais la tendance va fléchir si les législateurs n’interviennent pas. Il est temps d’établir des objectifs réellement ambitieux si nous voulons éviter de perdre cette décennie, cruciale pour réduire les émissions de la voiture. »

    Selon l’analyse, les nombreuses flexibilités qu’autorisent la réglementation européenne affaiblissent également son impact, et permettront aux constructeurs automobiles de s’en sortir en vendant 840 000 voitures électriques de moins, rien que cette année. Les constructeurs bénéficient d’objectifs moins contraignants en vendant des véhicules plus lourds, ce qui augmente les ventes de SUV polluants et d’hybrides rechargeables. En Europe, Daimler et BMW sont les experts en matière d’exploitation des ventes d’hybrides rechargeables prétendument électriques qui, quand ils ne sont pas chargés, polluent en réalité davantage que les moteurs à combustibles fossiles.

    L’exploitation généralisée de ces flexibilités a permis à tous les constructeurs d’être en bonne voie pour atteindre les objectifs 2021 de l’UE pour le CO2, d’après l’analyse de T&E. Et ce, malgré le fait que trois constructeurs, JLR, Volvo et Daimler, présentent des émissions moyennes liées aux voitures essence et diesel plus élevées qu’il y a cinq ans. T&E a basé ses prévisions sur les émissions de CO2 des voitures vendues au cours de la première moitié de l’année.

    Selon Diane Strauss « Les constructeurs européens vantent leurs mérites écologiques, mais en réalité, ils exploitent toutes les failles possibles pour retarder le passage à des voitures zéro-émission. Les constructeurs français se reposent particulièrement sur la production d’hybrides rechargeables, dont on sait maintenant qu’ils sont très émetteurs en CO2. Dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne, le gouvernement français a la possibilité de contribuer à mettre fin à cette hypocrisie en définissant une trajectoire de réduction des émissions réellement ambitieuse. »

    Les gouvernements européens et les eurodéputés débattent les propositions de la Commission européenne pour de nouvelles normes, et ces dernières devraient être finalisées début 2023.

    Note aux éditeurs :

    [1] En juillet 2021, la Commission européenne a proposé de nouveaux objectifs nationaux en matière de réduction d’émissions dans les transports et d’autres secteurs non inclus dans le système d’échange de quotas d’émissions de l’UE (p. 38). On s’attend à ce que les législateurs finalisent leur proposition de révision de la réglementation sur le partage de l’effort en 2022.

    https://ec.europa.eu/info/sites/default/files/proposal-amendment-effort-sharing-regulation-with-annexes_en.pdf

    Pour en savoir plus :

    Rapport de T&E : Electric car boom at risk