• Un leasing social avec des voitures 100% électriques, fabriquées en France et en Europe, c’est possible !   

    T&E et l’Iddri dévoilent leur plan d’action détaillé pour un leasing social ambitieux. Sa mise en œuvre permettra à 900.000 ménages modestes de réduire leur budget voiture, à condition que l’Etat s’engage et entraîne avec lui la filière automobile. 

    Comment concrétiser l’ambition initiale du leasing social ? La promesse – des véhicules 100% électriques à 100 euros par mois – était claire. Mais l’absence de véhicules électriques bon marché produits en France ou en Europe est venue semer le doute sur l’ampleur finale du dispositif. Le gouvernement a bien confirmé son intention de lancer la mesure en 2024, mais en laissant la porte ouverte à des aménagements par rapport au projet d’origine [1]. 

    L’analyse publiée ce vendredi par T&E France et l’Iddri [2], articulée autour de 8 propositions d’action, prouve que l’ambition d’origine du leasing social peut être respectée, à plusieurs conditions. « Le gouvernement est sur la bonne voie, il doit aller jusqu’au bout de sa promesse de départ, explique Marie Chéron, responsable des politiques véhicules à T&E France. Notre analyse démontre qu’un leasing social ambitieux, avec des véhicules 100% électriques, est possible dès 2024. Il permettra de soutenir une production industrielle supplémentaire en France et en Europe, et de décarboner l’automobile. Le tout, sans obliger l’État à dépenser davantage qu’aujourd’hui ». 

    Le succès du leasing social passera évidemment par un accès large au dispositif. L’analyse démontre qu’entre 2024 et 2030, environ 900.000 ménages modestes [3] pourraient bénéficier du leasing social, avec un loyer compris entre 70 euros et 200 euros par mois, selon la taille du véhicule (de la micro-car aux berlines compactes). Selon nos estimations, les véhicules en leasing social pourraient représenter 15% des véhicules électriques en circulation à cet horizon. 

    Un contrat avec les constructeurs

    Un tel volume de véhicules nécessitera un engagement des constructeurs français et européens. C’est pourquoi T&E et l’Iddri appellent l’État à passer un contrat avec la filière, pour la production de véhicules électriques adaptés aux besoins du leasing social, sobres, y compris des petits modèles (segments A et micro-car, actuellement non produits en France). Pour cette industrie, le leasing social est une opportunité, celle d’un marché additionnel, avec des commandes garanties et un risque financier minime. 

    « Un engagement de l’Etat sur la progressivité et la pérennité du financement du dispositif sur plusieurs années, sont les signaux forts qui doivent convaincre les constructeurs de s’engager dans le projet. Ainsi, ces derniers ne pourront plus percevoir le leasing social comme un détournement de leurs capacités de production vers des véhicules à bas coûts et à faibles marges. Il s’agira au contraire d’un marché additionnel, sécurisé. Pour la filière automobile française, c’est l’occasion de pouvoir fabriquer des véhicules abordables de segment A et B, aujourd’hui délaissés ou produits hors d’Europe » assure Jean-Philippe Hermine, coordinateur de l’initiative Mobilité en Transition de l’Iddri.  

    La formule pour faire baisser les prix

    Afin de pouvoir proposer des loyers abordables, les véhicules produits seront concentrés sur quelques modèles et posséderont les équipements essentiels. En prenant aussi en compte la réduction des coûts de publicité et de distribution pour les constructeurs, ainsi qu’un niveau d’équipement et de performance adapté, T&E et l’Iddri estiment que le prix de revient des voitures peut être abaissé de 20 à 30% par rapport à celui du marché actuel. Ces économies permettront de proposer des formules de leasing à partir de 100€ par mois pour un modèle équivalent à la Twingo électrique, ou 150€ pour l’équivalent d’une Peugeot e-208. 

    L’action de l’État sera aussi indispensable pour assurer aux ménages bénéficiaires qu’ils n’auront pas de dépenses imprévues avec leur véhicule. Dans ce cadre, l’entretien et la réparation devront être inclus dans le contrat de leasing, ce qui suppose d’impliquer la filière concernée. Concernant la gouvernance, les véhicules électriques seraient achetés via un organisme dédié regroupant l’État, des financeurs privés (banques, sociétés de leasing) et les collectivités locales, pour être ensuite loués. 

    Passer d’une aide large à une aide plus ciblée

    T&E et l’Iddri se sont également penchés sur l’équation financière posée par le leasing social. L’étude propose une réduction progressive du montant du bonus écologique (qui bénéficie largement aux conducteurs les plus aisés [4]) au profit d’une montée en puissance du leasing social. Basculer progressivement vers une aide plus ciblée permettra aux ménages modestes d’accéder à la voiture électrique alors qu’ils en sont éloignés aujourd’hui. 

    « Le leasing social est un outil utile qui, orchestré avec d’autres [5], permet de répondre à l’impératif de justice sociale nécessaire à la transition des mobilités. Dans le cadre de la mise en place des zones à faibles émissions (ZFE), il permet de cibler les personnes aux revenus modestes, souvent les plus dépendantes à la voiture individuelle » relève Sylvain Delavergne du mouvement Clean Cities Campaign (CCC).

    En rythme de croisière, selon l’analyse, le leasing social représenterait environ 800 millions d’euros par an d’aides directes versées par l’État. Ce dernier subventionnerait 27 à 34% du coût du véhicule, selon les ressources des ménages (comme dans le cadre du bonus actuel). La possibilité pour les collectivités de verser une aide complémentaire de 1000 € à 2000 € par véhicule est considérée comme un moyen de renforcer le dispositif, notamment dans le cadre des ZFE, et pour accélérer la conversion à l’électrique des ménages les plus contraints dans leurs déplacements.  

    Une chance pour l’Europe

    En mettant en place un leasing social ambitieux, 100% électrique, la France montrerait la voie aux autres pays de l’Union européenne. En effet, le dispositif d’aides aux ménages pourra être soutenu financièrement par des fonds européens, notamment via le fonds social pour le climat. Mais surtout, déployé dans plusieurs pays, il pourra renforcer la politique industrielle des États pour orienter  la production vers des véhicules réellement plus sobres et adaptés aux besoins, y compris vers les petits modèles, contribuant ainsi à une « réindustrialisation verte » à l’échelle européenne. 

    Notes aux éditeurs 

    [1] Le 26 avril dernier, la Première ministre Elisabeth Borne a confirmé la mise en place du leasing social mais a parlé de « véhicules propres » (et non pas de véhicules « zéro-émission »), ce qui peut laisser penser que des véhicules émettant du CO2 (type hybride rechargeable ou essence) pourraient être inclus dans le périmètre. 

    [2] Une étude de faisabilité a d’abord été menée par le cabinet C-Ways pour T&E, afin d’évaluer le potentiel du leasing social, ses effets sur le marché du véhicule électrique, le coût d’un tel dispositif. T&E et l’Iddri se sont ensuite associés pour identifier précisément les conditions de réussite du leasing d’un point de vue social, environnemental et industriel. 

    [3] L’étude propose de cibler les ménages des déciles 1 à 4, dont le revenu fiscal de référence est inférieur à 13 500 euros, et qui possèdent un véhicule Crit’Air 2 ou plus.

    [4] Une étude de 2022 de France Stratégie notait ainsi que « même avec les aides, le passage à l’électrique demeure peu accessible pour de nombreux ménages. Par exemple, pour un véhicule électrique de segment B, le surcoût à l’achat reste d’environ 8 000 euros par rapport à un véhicule thermique du même segment ». 

    [5] Une étude de 2023 (en anglais, résumé en français) par Clean Cities Campaign décrit le leasing social comme une des 5 mesures d’équité sociale à mettre en œuvre rapidement pour accélérer la transition des systèmes de mobilité dans les villes. 

    Présentation de l’Iddri : 

    Fondation reconnue d’utilité publique, l’Iddri est un think tank qui instruit les questions du développement durable nécessitant une coordination mondiale, comme le changement climatique ou l’érosion des ressources naturelles. L’institut dispose d’une triple mission : éclairer les décisions ; identifier les sujets clés de demain ; ouvrir un espace de dialogue à des acteurs aux intérêts souvent divergents. Pour la remplir, l’Iddri clarifie les enjeux, réunit les acteurs impliqués, et facilite ainsi une compréhension partagée des problèmes.

    En 2023, l’Iddri a 23 ans, réunit une cinquantaine de collaborateurs dont une trentaine de chercheurs pluridisciplinaires (économistes, juristes, politologues, géographes, etc.) et intervient avec un large réseau de think tanks et universités partenaires dans le monde.

    Présentation de T&E: 

    Transport & Environment (T&E) est un réseau européen d’ONG qui promeut le transport durable en Europe. La vision de T&E est celle d’un système de mobilité zéro émission, abordable et ayant un impact minimal sur la santé, le climat et l’environnement. T&E s’appuie aujourd’hui sur une centaine de collaborateurs répartis au siège à Bruxelles et dans plusieurs capitales européennes.