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Les projets d’extension des aéroports français incompatibles avec les objectifs climat du secteur aérien

13 novembre 2025

L’augmentation du nombre de passagers n’est en outre pas toujours moteur de croissance économique, contrairement à ce qu’assure le lobby du secteur aérien.

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Les projets d’extension des aéroports français vont rendre encore plus irréaliste la décarbonation du secteur aérien. C’est ce qui ressort d’une analyse inédite réalisée par Carbone 4 pour T&E. Si les projets d’augmentation des capacités aéroportuaires étaient menés à terme, 45 millions de passagers supplémentaires pourraient transiter par les aéroports français en 2050, par rapport à un scénario où aucun projet ne serait réalisé. Cela correspondrait également à environ 32% d’émissions en plus de CO2 en 2050, par rapport à un scénario sans ces projets.

« La décarbonation de l’aviation est déjà mal engagée en France. Si en plus, les projets d’extension des aéroports voient le jour, le secteur n’aura plus aucune chance de respecter la trajectoire de baisse des émissions définie dans sa propre feuille de route. Pour garder un minimum de crédibilité sur le sujet climatique, l’aérien doit arrêter de vouloir croître à tout prix », explique Jérôme du Boucher, responsable aviation pour T&E France.

L’augmentation de l’impact climatique concernerait de nombreux aéroports français, et notamment le premier d’entre eux, Roissy-Charles de Gaulle. Dans le scénario sans projet, le nombre de passagers annuels de l’aéroport parisien plafonnerait à 82 millions en 2050, contre 105 millions avec le projet de développement présenté par ADP cette année. Cela conduirait à rejeter 28% de CO2 en plus en 2050. Même constat pour l’aéroport de Beauvais, qui pourrait passer de 6,6 à 9,5 millions de passagers accueillis, avec 45% d’émissions de CO2 supplémentaires en 2050. D’autres aéroports régionaux (cf graphique à la fin du document) ont également été étudiés.

La croissance du trafic aérien n'a pas toujours un bénéfice clair pour l'économie

Une note de la Direction générale du Trésor indiquait en juillet dernier que le secteur aérien ne couvrait pas ses externalités négatives [1], notamment sur le climat, ce qui n’est pas efficace économiquement pour la société. Concrètement, lorsqu’un trajet en avion crée des nuisances (impact climatique des émissions CO2 et des traînées de condensation, bruit, pollution de l’air, etc.) qui coûtent 1 euro à la société, l'usager n'en paie que 34 centimes. Si l’usager supportait la totalité des externalités négatives, le coût du billet d’avion augmenterait et il y aurait moins de trafic aérien. Cela montre que la croissance du trafic aérien ne va pas dans le sens d’un optimum économique pour la société.

Une nouvelle étude, réalisée par New Economics Foundation pour T&E et publiée également aujourd'hui va plus loin et montre que, même sans prendre en compte ces impacts négatifs sur l'environnement et le climat, les projets de développement des aéroports n'ont pas toujours de justification économique. En effet, le lien entre croissance du trafic aérien et croissance économique est très faible, voire inexistant dans de nombreuses régions européennes. L’analyse montre que la croissance du trafic aérien est le plus souvent une conséquence de la croissance économique et non sa cause.

C'est notamment le cas pour la région parisienne, remarque l’étude. Elle fait partie des régions de l'UE où l'accroissement du nombre de vols n'apporte plus de contribution significative à l'augmentation du PIB, atteignant une sorte de “saturation économique”. Principal facteur d’explication à cela : la part de voyages d'affaires est en baisse, les entreprises ayant de plus en plus souvent recours à la visioconférence. L’augmentation des capacités aériennes ne permet alors plus de faciliter la croissance des entreprises et donc du PIB.

« Le lobby de l'aérien entretient le mythe selon lequel avoir plus d'avions serait toujours bon pour l'économie. Ce n’est plus vrai aujourd’hui dans les régions déjà très connectées. Les décideurs doivent tenir compte de ces nouvelles conclusions et mener une réelle évaluation des supposés bénéfices économiques liés aux projets d’extension » conclut Jérôme du Boucher.

Focus sur les émissions de CO2 liées aux projets d’extension de plusieurs aéroports en France

Note 

[1] Tarification et fiscalité du transport aérien, Direction générale du Trésor, Juillet 2025

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