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La fiscalité de l’aérien et les divers coûts par aéroport ont un faible impact sur le niveau de trafic

4 novembre 2025

L’étude contredit le discours habituel du secteur aérien, et montre que la demande est principalement déterminée par d’autres facteurs.

Une nouvelle étude réalisée par deux économistes montre que, jusqu’à ce jour, la demande dans le secteur aérien dépend surtout de la stratégie des compagnies aériennes et des tendances du marché, telles que l'évolution des comportements en matière de voyage. Selon T&E, cela contredit les affirmations des compagnies aériennes selon lesquelles les taxes, redevances aéroportuaires et divers coûts sur le transport aérien seraient entièrement responsables d’une fuite des passagers vers d’autres aéroports.

L'étude examine la relation entre les diverses taxes, redevances et autres coûts payés à un aéroport donné et le volume de passagers pour 101 aéroports européens en 2024 [1]. Les résultats montrent que les aéroports ayant de faibles coûts n'ont pas forcément un nombre plus élevé de passagers. En fait, les aéroports dont les coûts sont plus élevés ont tendance à accueillir davantage de passagers. L'aéroport d'Heathrow, par exemple, a les coûts les plus élevés, mais aussi le nombre de passagers le plus élevé d'Europe.

L'étude conclut qu'il n'existe qu'une faible corrélation entre les coûts et le nombre de passagers, ce que confirme également une analyse plus approfondie de la relation entre l'évolution des prix des billets et celle du nombre de passagers. L’organisation en hubs, les accords internationaux et les stratégies de marché sont les facteurs déterminants pour l'importance d'un aéroport et son niveau de fréquentation.

Jérôme du Boucher, responsable aviation chez T&E France, déclare : « Les compagnies aériennes tentent d’orienter le débat en imputant une croissance du trafic modérée aux coûts nationaux. Leur stratégie est claire : éviter une augmentation des taxes et des redevances. En réalité, ce sont surtout les tendances en matière de comportement des voyageurs et les modèles économiques des compagnies aériennes qui influencent le nombre de passagers, et non les coûts seuls. »

L’évolution du trafic aérien européen observée ces dernières années est un bon exemple de l’importance de facteurs autres que les coûts sur le trafic. Cette évolution montre une croissance du trafic nettement plus élevée sur le pourtour méditerrannéen qu’en Europe du nord. Cela peut être liée à la baisse des voyages d'affaires après la pandémie de COVID. La campagne Travel Smart de T&E révèle en effet que les voyages d'affaires des plus grandes entreprises mondiales ont chuté de 34 % entre 2019 et 2023. Dans le même temps, les voyages de loisirs ont gagné en importance.

Alors que les voyageurs d'affaires se rendent généralement dans les centres économiques, les autres voyageurs se concentrent vers les destinations de vacances. Cela a entraîné une augmentation de 10 à 20 % des voyages aériens vers les pays du sud de l'Europe en 2025 par rapport à 2019. Ce sont ces tendances en matière de comportement de voyage qui ont un impact sur la demande des passagers, plutôt que la fiscalité et les autres coûts.

T&E recommande donc aux gouvernements nationaux de ne pas céder aux demandes des compagnies aériennes de plafonner les taxes. Cela reviendrait à renoncer à d’importantes recettes publiques, sans effet tangible sur les retombées économiques du trafic aérien.

Note

[1] Les coûts examinés ici recoupent l’ensemble des frais directs imposés pour l'exploitation d'un vol commercial régulier ou charter : taxes, redevances aéroportuaires, redevances liées au décollage et à l’atterrissage, au contrôle aérien, ainsi que les coûts des régulations environnementales.

L'étude menée par les économistes Friedrich Thießen et Christoph Brützel a analysé les coûts supportés par les aéroports en fonction des taxes nationales et a comparé le nombre de passagers voyageant à destination et en provenance de ces aéroports. Elle a pris en compte le fait que le type d'aéroport peut modifier les résultats. Elle a également vérifié qu'une analyse traditionnelle de l'élasticité des prix n'est pas fiable dans le domaine de l'aviation. Cette étude complète une étude du DLR datant d'avril 2025.

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