D’après l’analyse, les pays qui ne prennent pas en compte les effets dits « non-CO2 » de l’aviation ne respectent pas leurs engagements climatiques internationaux. T&E et Opportunity Green demandent donc aux Etats d’agir avant la COP 30 prévue au Brésil.
Une analyse juridique inédite, conduite par des avocats spécialistes du droit environnemental [1], estime que les pays ont l’obligation légale d’inclure les émissions « non-CO2 » de l’aviation dans leurs contributions déterminées au niveau national (CDN), afin de respecter les termes de l’Accord de Paris. Cette analyse indépendante, réalisée à la demande de T&E et d’Opportunity Green, intervient alors que seulement 29 pays ont soumis leurs plans climat en amont de la COP 30 prévue en novembre au Brésil [2].
Les objectifs de l’Accord de Paris, basés sur des seuils de température, obligent les pays à mettre en place des plans pour limiter le réchauffement climatique. L’impact sur le climat des émissions non-CO2, telles que les traînées de condensation laissées par les avions dans le ciel, a été prouvé scientifiquement : ces émissions pèsent même autant que les rejets de CO2 du secteur aérien. En conséquence, les Etats qui n’incluent pas les émissions non-CO2 ne respectent pas leurs engagements climatiques.
« Les scientifiques alertent sur le réchauffement climatique causé par les traînées de condensation depuis au moins 25 ans, rappelle Jérôme du Boucher, responsable Aviation de T&E France. Cette nouvelle analyse juridique montre que les pays doivent maintenant agir pour les réduire. Il est temps pour eux de passer de la parole aux actes, et de prendre en compte l’ensemble des effets climatiques de l’aviation, faute de quoi ils trahiront leurs engagements faits il y a 10 ans à Paris ».
Trois arguments principaux viennent étayer la conclusion de l'analyse juridique :
Objectifs basés sur la température - L'un des principaux objectifs de l'accord de Paris est de limiter la hausse des températures. Des émissions autres que le CO2, telles que les traînées de condensation, sont connues pour avoir un effet net de réchauffement. Il est donc nécessaire de les prendre en compte dans le cadre de l'obligation des pays de faire des « efforts ambitieux » pour limiter l'augmentation de la température à 1,5 °C au-dessus des niveaux préindustriels.
Réduire l'ensemble des gaz à effet de serre - L'accord de Paris stipule que les réductions des émissions de CO2 doivent s'accompagner de réductions des émissions autres que le CO2, y compris celles causées par l'aviation.
Recours au principe de précaution - L'Accord de Paris mentionne également la nécessité pour les pays d'agir sur la base des « meilleures connaissances scientifiques disponibles ». Lorsqu'il existe des preuves scientifiques d'un risque environnemental, même en cas d'incertitude, il convient d'adopter un principe de précaution. Une approche appropriée devrait donc inclure des mesures visant à lutter contre les impacts non-CO2 de l'aviation, explique l'avis juridique.
L’évitement des traînées de condensation permettrait de réduire rapidement l’impact climatique de l’aviation
L'aviation contribue au réchauffement climatique en émettant environ 2 à 3 % des émissions mondiales annuelles de CO₂. Les moteurs d'avion émettent aussi d'autres gaz et des particules qui affectent le climat et notre santé. Ces émissions sont appelées « émissions non-CO2 » et sont peu connues, malgré leur impact potentiellement énorme sur l'environnement.
Les émissions non-CO2 les plus visibles sont les traînées de condensation, issues de la condensation de la vapeur d'eau provenant des avions, qui sont responsables de 1 à 2 % du réchauffement climatique. Le réchauffement dû aux traînées de condensation est un problème très localisé : moins de 3 % des vols mondiaux ont généré 80 % du réchauffement dû aux traînées de condensation en 2019.
Il est possible d'atténuer ces traînées de condensation et leurs effets rapidement et à moindre coût. Il suffirait de modifier légèrement la trajectoire d'un petit pourcentage de vols pour réduire immédiatement les effets des traînées. Ces bénéfices rapides seraient plus que bienvenus pour rester en ligne avec l'accord de Paris.
Les émissions internationales, telles que le CO2 émis lors des vols internationaux, sont rarement incluses dans les CDN, même si les pays y sont légalement tenus. Selon T&E, les pays doivent inclure les effets à long terme du CO2 et des autres gaz à effet de serre liés au transport aérien dans les CDN devant être soumises avant la COP au Brésil. Ceux ayant déjà soumis leurs CDN doivent les mettre à jour afin d'y inclure ces effets. La contribution de l'UE, faite au nom de tous les États membres, est attendue d'ici septembre 2025. Inclure les effets non-CO2 serait l'occasion pour l'Europe de montrer l'exemple et de réaffirmer son ambition climatique, estime T&E.
Notes
[1] Legal Advice by Estelle Dehon KC and Lois Lane, Cornerstone Barristers, « In the matter of the United Nations Framework Convention on Climate Change and the Paris Agreement. Re: Inclusion of non-CO2 aviation emissions in Nationally Determined Contributions » (July 2025)
[2] Selon la dernière mise à jour (mi-août) de l’outil de suivi des NDC réalisé par Climate Watch. La date limite officielle de dépôt des NDC était le 10 février 2025.
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