Nous n’avons toujours pas assez de modèles électriques accessibles et adaptés aux besoins du cœur de marché.
Le marché de l’électrique compte deux fois moins de petits modèles, et deux fois plus de grosses berlines
Selon une nouvelle étude de Transport & Environment (T&E), seuls 40 modèles de citadines électriques (segments A et B) ont été lancés en Europe au cours des six dernières années (2018-2023), contre 66 modèles de grandes berlines électriques (segments D et E).
Selon T&E, ces chiffres mettent en lumière la stratégie industrielle et commerciale des constructeurs automobiles européens. Cette tendance sur le marché des véhicules électriques s’inscrit dans la droite ligne de la stratégie poursuivie depuis plus d’une décennie par la filière automobile : prioriser la production de plus gros modèles, plus chers et plus rentables.
Résultat : sur le marché de la voiture électrique, les constructeurs automobiles européens vendent actuellement presque deux fois moins de modèles compacts et abordables (les segments A et B représentent 41% des ventes thermiques, contre 23% des ventes en électrique), et quasi deux fois plus de gros SUV que sur le marché des voitures thermiques. De même, le prix moyen d’une voiture électrique en Europe a augmenté de 39 % (+ 18 000 €) depuis 2015, alors qu’il a chuté de 53 % en Chine [1].
« Cette stratégie d’électrification par le haut de gamme des constructeurs freine la démocratisation de la voiture électrique, dénonce Léo Larivière, responsable transition automobile. Résultat des courses : nous n’avons toujours pas assez de modèles électriques accessibles et adaptés aux besoins du cœur de marché. Plus grave encore, cela abîme l’image de la voiture électrique dans l’opinion publique, qui est encore trop souvent perçue comme un produit de luxe ».
Les annonces récentes sur le lancement de plus petits modèles électriques à un prix équivalent ou inférieur à 25 000 € (Fiat e-Panda, Citroën ë-C3, Renault Twingo, Renault R5, etc.) sont accueillies positivement par l’ONG mais ne sont pas suffisantes pour inverser la tendance. En 2024, seules 42 000 voitures de ce type devraient être produites pour le marché européen, sur un marché de plus de 2 millions de véhicules [2].
Les entreprises ont un rôle à jouer par le biais de l’électrification de leurs flottes
Le marché des véhicules neufs, par lequel sont diffusés les nouveaux modèles électriques, est largement devenu un marché “B2B”. Les entreprises sont en effet les principaux clients des constructeurs automobiles : chaque année, elles immatriculent plus d’un véhicule neuf sur deux, en France comme en Europe. Malheureusement, comme démontré dans un récent rapport, les entreprises françaises sont en retard dans l’électrification de leurs véhicules (avec un taux d’électrification de 11 %, soit trois fois moins que les ménages), ce qui freine la transition électrique des voitures neuves et donc la diffusion de véhicules électriques d’occasion.
La proposition de loi réformant les obligations d’électrification des grandes flottes professionnelles portée par le député Damien Adam (Renaissance), pourrait changer la donne. Selon T&E, elle pourrait alimenter le marché de l’occasion avec 900 000 petits véhicules électriques de segment A et B supplémentaires d’ici à 2035.
A l’échelle européenne, une nouvelle réglementation fixant des objectifs d’électrification des flottes pourrait avoir des bénéfices similaires. L’étude publiée aujourd’hui démontre que la part de marché des véhicules de segments A et B dans l’UE pourrait atteindre 22 % si les entreprises jouaient le jeu.
Léo Larivière, responsable transition automobile à T&E France, reprend : « Les constructeurs automobiles et les entreprises ont un rôle à jouer pour faciliter l’accès des classes moyennes dépendantes de l’automobile à la mobilité décarbonée, à un prix abordable. Nous disons : attention au risque d’une transition à deux vitesses, avec de l’électrique pour les entreprises et les plus aisés, et une dépendance au pétrole pour les autres ».
T&E appelle donc les constructeurs automobiles et les entreprises à assumer une double responsabilité : accélérer la transition vers le véhicule électrique, tout en soutenant par leurs stratégie de production et d’achat la diffusion de petits véhicules électriques abordables et accessibles à tous.
[1] Jato Dynamics. (2023) EV Price Gap: A divide in the global automotive industry.
[2] Selon l’analyse de T&E des données de production de LMCA.
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