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Normes antipollution Euro 7: La Commission européenne choisit de préserver les profits de l’industrie automobile plutôt que la santé des citoyens

November 10, 2022

Selon Transport & Environment, ce choix va conduire à laisser circuler près de 100 millions de véhicules polluants supplémentaires dans les prochaines décennies, alors qu’ils pourraient être rendus plus propres pour quelques centaines d’euros

La Commission européenne a rejeté les conclusions de ses propres experts pour établir les nouvelles normes antipollution des véhicules (voitures, camions, camionnettes, bus), baptisée Euro 7. Alors que ces normes devaient permettre une réduction de la pollution mortelle provoquée par les véhicules, la Commission s’est rangée du côté de l’industrie automobile. Cette décision pourrait permettre aux constructeurs de vendre 100 millions de véhicules polluants supplémentaires jusqu’en 2035. Dans une intervention tardive, la Commission a également cédé à de nouvelles pressions des constructeurs de camions et a affaibli les propositions concernant la pollution aux particules des véhicules utilitaires lourds.

Pour Transport & Environment (T&E), il est maintenant vital que le Parlement européen durcisse ce projet de règlement ou le rejette en bloc. 

La proposition de la Commission est tellement faible qu’elle pourrait avoir été écrite par l’industrie automobile elle-même. Alors que les constructeurs engrangent des profits records, ils ont réussi à faire croire que des normes Euro 7 ambitieuses seraient trop coûteuses pour eux. Dans le même temps, la pollution liée au transport routier continue de tuer 70.000 personnes par an, et ces nouvelles normes Euro 7 ne font quasiment rien pour les empêcher. Au contraire, elles mettront sur les routes près de 100 millions de véhicules supplémentaires, hautement polluants, qui rouleront pendant des dizaines d’années” explique Anna Krajinska, responsable des questions liées aux émissions des véhicules et à la qualité de l’air à T&E. 

Limiter la pollution ne conduirait pas à une explosion des coûts 

D’après les constructeurs, des standards de pollution plus stricts les auraient obligés à investir dans de nouveaux moteurs et dans de nouvelles technologies d’échappement, les empêchant soit-disant de développer les véhicules électriques. En réalité, les technologies permettant de diminuer la pollution toxique de 50 % sans changement profond de la motorisation existent déjà. Même en tenant compte de l’inflation, T&E estime que le coût additionnel pour chaque véhicule serait d’environ 300€, soit moins que le prix de la peinture d’une Renault Clio. 

Les profits des constructeurs automobiles ont atteint des sommets [1] malgré le contexte économique actuel et les difficultés d’approvisionnement. Cette industrie s’est toujours opposée au durcissement des normes, allant même jusqu’à tromper les consommateurs pendant le scandale du Dieselgate. Son opposition aux normes Euro 7, sous couvert de risque d’explosion des coûts, ressemble plutôt à une tentative de faire toujours plus de bénéfices au détriment de la santé humaine. L’ACEA, l’association des constructeurs européens d’automobiles, a même reconnu que la proposition de la Commission aurait un impact “marginal” sur les émissions toxiques d’oxydes d’azote (NOx).  

Euro 7, c’est le Dieselgate de la Commission européenne. Son refus de prendre en compte l’avis de ses propres experts est un scandale qui aura un impact dévastateur pour la qualité de l’air en Europe, en particulier pour l’Europe de l’est et du sud qui ont un parc automobile plus vieux que la moyenne. Le lobby de l’industrie automobile s’est violemment opposé à Euro 7, en utilisant de vieilles recettes pour influencer les décideurs. La Commission a accédé à leur demande. Les profits des constructeurs sont donc préférés à la santé de millions d’Européens” poursuit Anna Krajinska. 

La Commission a passé quatre ans à élaborer la proposition de règlement sur les normes Euro 7, qui vise à réduire la pollution toxique du transport routier. Son consortium d’experts (baptisé CLOVE) a pris en compte les nouvelles technologies de réduction des émissions pour proposer de nouveaux seuils. Ces derniers prévoyaient une diminution de 50% de la pollution liée aux NOx et une diminution de 80% de celle liée aux particules toxiques pour les véhicules neufs. Même si elle a reconnu que le transport routier était à l’origine de 70.000 décès prématurés dans l’UE chaque année, la Commission a refusé de réduire les seuils de pollution déjà imposés pour les véhicules essence. Ci-dessous, les principales insuffisances de la proposition de la Commission: 

  • Les nouvelles normes restent inchangées pour les véhicules essence, oubliant complètement de prendre en compte le progrès technologique depuis que les normes Euro 6 ont été décidées il y a une dizaine d’années. 
  • La nouvelle limite d’émission de particules liées au freinage (7mg/km) n’oblige pas les constructeurs à installer la technologie la plus efficace (l’aspirateur à particules) avant 2035, date à laquelle la limite d’émission sera abaissée. Pourtant, cette technologie est déjà disponible et accessible financièrement.  
  • La définition des “conditions réelles” de conduite – permettant de mesurer les seuils de pollution – reste beaucoup plus permissive que ce que proposait le scénario le moins ambitieux du consortium d’experts CLOVE. Par exemple, lorsque la température sera inférieure à 0°C, les voitures auront le droit de polluer 1,6 fois plus que la normale. 
  • Cette définition des “conditions réelles” de conduite est plus stricte pour les camions que pour les voitures. 
  • La durabilité, c’est-à-dire la période pendant laquelle les véhicules doivent respecter les seuils de pollution, est faible. Elle est fixée à 8 ans ou 160.000 kilomètres. Une durabilité “additionnelle” de 2 ans ou 40 000 kilomètres a été ajoutée, mais avec des seuils autorisés de pollution plus élevés. Même une durabilité fixée à 10 ans resterait inférieure à la moyenne d’âge des véhicules européens (11,8 ans). En comparaison, la durabilité des dispositifs de contrôle de la pollution est fixée à 240.000 km aux Etats-Unis. 
  • La durabilité pour les camions reste fixée à 700 000 km ou 15 ans. Une durabilité additionnelle, jusqu’à 875 000km, prévoit des seuils d’émissions relevés. A titre de comparaison, la Californie impose une durabilité de 1,3 million de kilomètres. 

Contact presse T&E France: Nicolas Raffin+33 6 41 58 29 71

 

Notes aux éditeurs

[1] Les profits en hausse des constructeurs automobiles 

En 2021, Stellantis a réalisé un bénéfice net de 8 milliards d’euros. Pour 2022, les résultats du troisième trimestre (T3 2022) laissent augurer une augmentation annuelle des bénéfices de 10%. Stellantis a réalisé un chiffre d’affaires net de 42,1 milliards d’euros au T3 2022, en hausse de 29% par rapport au T3 2021. 

En 2021, Volkswagen a réalisé plus de 20 milliards d’euros de bénéfices, un chiffre en hausse par rapport à la période pré-Covid. Au premier semestre 2022, VW affiche déjà un bénéfice de 13 milliards d’euros, en hausse de 16% par rapport au premier semestre 2021.

Renault a perdu de l’argent en 2019 et 2020 avant de dégager un bénéfice de presque un milliard d’euros en 2021 (967 millions d’euros). Au premier semestre 2022, les bénéfices atteignent déjà un milliard d’euros. 

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