Un document de l’ACEA révèle la volonté des constructeurs de saper profondément la réglementation européenne sur les émissions des voitures.
L’ACEA, le lobby des constructeurs automobiles, compte fortement affaiblir l’objectif de baisse des émissions de CO2 des voitures, comme le révèle une note de position révélée par les médias. Selon l’analyse de T&E, si toutes les demandes contenues dans ce document étaient appliquées, cela diviserait par deux le nombre de voitures électriques vendues en 2035.
Au total, les constructeurs exigent six aménagements à la réglementation actuelle, comme par exemple le fait de comptabiliser comme “zéro émission” les voitures roulant avec des carburants alternatifs comme des carburants de synthèse ou des biocarburants. L’ACEA veut également empêcher l’UE de revoir à la hausse les émissions WLTP des hybrides rechargeables, alors que l’écart entre cette norme et les émissions réelles ne cesse de grandir.
L’UE est mise sous pression par les constructeurs, qui souhaitent affaiblir considérablement les normes CO2, alors que la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, a déclaré qu'une proposition législative serait publiée d'ici la fin 2025. Selon la note de l’ACEA, les voitures alimentées par du carburant soit-disant “neutre en carbone” (biocarburants ou carburant de synthèse) devraient être considérées comme émettant 0 gramme de CO2 par kilomètre. A elle seule, cette demande conduirait à faire baisser les ventes de voitures électriques de 25% en 2035, car les constructeurs pourraient continuer à vendre des voitures thermiques fortement émettrices de CO2 à cette date.
Bastien Gebel, responsable de la décarbonation de l’industrie automobile à T&E France, explique : « Ce positionnement des constructeurs est une honte absolue. Tout en multipliant les demandes de flexibilités, l’ACEA passe sous silence la question du contenu local, et donc la perspective d’un véritable « made in EU », un objectif pourtant défendu de longue date par la France. Cela va compromettre les investissements dont l'Europe a besoin pour rattraper son retard dans la course aux véhicules électriques.»
Concernant l’affaiblissement de la réglementation, Bastien Gebel ajoute : « Transformer la réglementation automobile la plus importante de l'UE en gruyère ne permettra ni de restaurer la compétitivité de l'industrie, ni de ramener sur le sol européen les emplois délocalisés. Il s'agit d'une tentative cynique visant à démanteler un pilier central de la législation européenne en matière de climat. Si la Commission cède à ces exigences, elle ne fera que donner un avantage concurrentiel supplémentaire aux constructeurs automobiles chinois.»
La demande de l'ACEA visant à supprimer la révision du « facteur d’utilité » (UF) de 2027 pour les hybrides rechargeables réduirait les ventes de voitures électriques de 10 % en 2035. L'octroi de crédits carbone aux constructeurs automobiles pour la mise au rebut des vieux véhicules réduirait encore l'ambition de 6 %. Les crédits pour les réductions de CO2 dans la production automobile et l'utilisation de certaines technologies réduiraient les ventes de véhicules électriques de 6 %. L’introduction d’un multiplicateur pour les ventes de petits véhicules électriques – avec un crédit supplémentaire s'ils sont fabriqués en Europe – réduirait l'ambition de 1 %. Au total, les exigences de l'ACEA signifieraient que les constructeurs automobiles n'auraient qu'à atteindre une part de marché de 52 % de voitures électriques en 2035.
« Les constructeurs réclament toujours plus de flexibilités, aboutissant à une liste fourre-tout sans considération pour les conséquences. Ils veulent aller vite, mais ils ne savent pas vraiment dans quelle direction, et ils ne veulent surtout pas que les gens aient le temps d'y réfléchir. Tous les ingrédients sont réunis pour un désastre » conclut Bastien Gebel.
Notes:
T&E a analysé les demandes contenues dans le document de l'ACEA. L'analyse repose sur une utilisation maximale de chaque flexibilité.
Hypothèses retenues :
Jusqu'à 20 % des voitures vendues en 2035 pourraient être des véhicules non zéro émission (c'est-à-dire des véhicules entièrement thermiques ou hybrides) en vertu de la dérogation accordée aux véhicules fonctionnant avec des « carburants neutres en carbone », tandis qu'un affaiblissement supplémentaire serait causé par le « coefficient des carburants renouvelables », qui réduirait artificiellement les émissions liées à l'utilisation de biocarburants dans le parc automobile (hypothèse de 40 % de biocarburants) .
Les émissions des PHEV en 2035 seraient calculées à l'aide du facteur d'utilisation 2025 en raison de l'annulation de la correction du facteur d’utilisation 2027/8, ce qui fait que les émissions officielles (WLTP) représenteraient seulement la moitié de leurs émissions réelles.
3 millions de véhicules (environ un quart des véhicules qui devraient être mis à la casse chaque année) bénéficieraient du crédit de mise à la casse de 35 g/km prévu dans le document de l'ACEA.
Le plafond des crédits CO₂ de l'ACEA (7 g/km) devrait être atteint si les constructeurs automobiles revendiquent une chaîne de valeur « verte » en utilisant des instruments du marché des certificats verts, tels que les garanties d'origine (GoO), afin de revendiquer artificiellement l'utilisation d'énergies renouvelables dans la production des matériaux.
On suppose que 40 % des véhicules électriques à batterie (BEV) bénéficieraient des supercrédits demandés par l'ACEA (multiplicateur de 1,33) pour les petites voitures électriques abordables.
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