Pourquoi maintenir l’avantage fiscal est désormais contre-productif
Dans la copie initiale de son PLF 2026, le Gouvernement prévoyait de supprimer l’avantage fiscal accordé à certains biocarburants, notamment le B100 utilisé dans le transport routier de marchandises. Cette disposition a été rejetée par l’Assemblée nationale comme au Sénat. T&E estime que cette mesure aurait permis une meilleure efficacité de la dépense publique et une transition climatique plus cohérente.
Le B100 est un biocarburant constitué exclusivement de biodiesel, produit principalement à partir d’huile de colza. Il peut être utilisé dans les moteurs diesel compatibles.
Ses principaux fournisseurs en France sont Avril/Saipol (Oleo100), Bolloré, Falaize Énergies et Targray.
Aujourd’hui, le B100 bénéficie de deux mécanismes de soutien public :
Un avantage fiscal : la réduction du tarif d’accise, fixé pour 2025 à 12,9 €/MWh. En comparaison, le tarif du diesel classique (B7) est de 60,75 €/MWh, ramené à 45 €/MWh après remboursement partiel des transporteurs.
La TIRUERT (Taxe incitative relative à l’utilisation de l’énergie renouvelable dans les transports) : mise en place en 2022, elle impose aux fournisseurs de carburants un objectif annuel d’incorporation de carburants renouvelables (actuellement ~ 9 %).
Si l’objectif est atteint ou dépassé : les fournisseurs ne paient pas de taxe et peuvent revendre leurs excédents de certificats. Si l’objectif n’est pas atteint : ils doivent payer une pénalité financière proportionnelle au déficit d’incorporation.
Depuis 3 ans, les producteurs de B100 génèrent des revenus importants grâce à la vente de certificats : en 2025, leur prix s’élevait à 600 €/m3 (pour un prix de revient de ~ 1 100 €/m3). Le dynamisme du marché permet d’anticiper une hausse de prix pour 2026 (~ 700 €/m3 a minima).
Au total, le B100 bénéficie d’un soutien de ~ 1 €/L : 33 centimes de réduction d’accise et 60-70 centimes via la TIRUERT. |
Dans ce contexte, le Gouvernement propose de laisser la TIRUERT se substituer à la réduction d’accise, conformément aux recommandations de l’Inspection générale des finances (IGF). Cela permettrait à l’État de récupérer les 130 M€ par an actuellement perdus via la niche fiscale.
Les producteurs de biocarburants bénéficient aujourd’hui de marges très élevées (>20 %). La suppression du taux d’accise, compensée par une hausse des ventes de crédits TIRUERT, ne menace pas leur rentabilité.
Pour les transporteurs, la fin du taux réduit réactive le remboursement partiel de 15,7 c€/L applicable au diesel. Le prix final du B100 pour les transporteurs restera ainsi inférieur à celui du B7 (~ 5 % moins cher aujourd’hui). La suppression de l’avantage fiscal permet donc de transférer une partie du soutien budgétaire des producteurs vers les transporteurs.
Faut-il aligner la fiscalité du B100 et du HVO? Le HVO (Hydrotreated Vegetable Oil) est un biocarburant produit par hydrogénation d’huiles végétales ou de résidus (huiles usagées, graisses animales). Il est compatible avec tous les moteurs diesel. Comme le B100, le HVO bénéficie de crédits TIRUERT, qui se vendent à un prix élevé (actuellement autour de 1 100 €/m3), la demande étant tirée par le secteur aérien. Le HVO bénéficie d’un soutien de ~ 1,10 €/L, un niveau similaire au B100. En ce sens, rien ne justifie une réduction du tarif d’accise, coûteuse pour les finances publiques. |
Le soutien initial au B100 reposait sur trois objectifs : réduire les émissions du transport routier, promouvoir les énergies renouvelables, et renforcer la souveraineté énergétique. Les analyses les plus récentes contestent désormais l’intérêt réel du B100 pour atteindre ces objectifs.
Le B100 ne constitue donc pas un gage de souveraineté. La hausse de la consommation de B100 détourne des volumes de biodiesel qui auraient été incorporés dans le B7. Résultat : une baisse de la part de biodiesel dans le B7 et/ou une compensation par des importations. En 2024, 74 % des matières premières du biodiesel étaient ainsi importées, avec un risque élevé de déforestation.
En intégrant les effets de cette déforestation importée, l’empreinte carbone du B100 s’aligne sur celle du diesel. Les émissions de polluants atmosphériques (NOx et particules) sont aussi équivalentes.
Enfin, les biocarburants mobilisent de grandes surfaces agricoles pour un rendement énergétique très faible. À titre de comparaison, produire la même quantité d’énergie avec du photovoltaïque nécessiterait seulement 3 % de la surface actuellement occupée par les biocarburants dans le monde.
Plusieurs cas concrets de transporteurs montrent que l’électrique n’est pas un projet du futur, mais une réalité opérationnelle déjà en marche sur la ...
Propositions pour soutenir la demande de camions zéro émissions en France.