Le projet de l’UE consistant à valoriser les petites voitures abordables (“small affordable cars initiative”) pourrait bénéficier à l’industrie automobile et à ses clients, sans remettre en cause les normes de sécurité et la baisse des émissions.
Si vous avez récemment voyagé en Italie ou Espagne, vous avez peut-être remarqué des silhouettes familières sur les autoroutes. Des véhicules de taille modeste, comme la Fiat Panda ou la Seat Ibiza, qui sont les préférées des acheteurs italiens et espagnols.
Pourtant, ces véhicules iconiques abordables ont peu à peu disparu du reste de l’Europe. Les faire revenir sur le devant de la scène ne serait pas un projet nostalgique mais permettrait d’assurer une part importante du futur de l’industrie automobile européenne.
Alors que l’industrie critique souvent le poids des normes pour expliquer le déclin des petits véhicules, la réalité est que les constructeurs ont surtout priorisé leurs marges unitaires via la montée en gamme, la priorité donnée aux SUV, et leurs politiques de prix. C’est notamment ce qui était démontré dans l’étude réalisée en mai 2025 par l’IMT et C-Ways.
En conséquence, l’offre de véhicules abordables s’est rétrécie, alors qu’elle formait auparavant le cœur du marché européen. Les constructeurs ont aussi choisi d’électrifier « par le haut », en se concentrant sur les modèles les plus chers et les plus grands. Résultat, seulement 25% des voitures électriques neuves sont des petits segments, alors que la moyenne du marché, toutes motorisations confondues, tourne autour de 40%.
Mais alors que le marché automobile européen reste bien en-deçà de son niveau pré-Covid, et que les constructeurs chinois comme BYD prennent des parts de marché croissantes sur les véhicules électriques, la stratégie « grosses voitures, gros profits » des constructeurs européens se retourne contre eux.
C’est dans ce contexte que la présidente de la Commission européenne, Ursula Von der Leyen, a annoncé son “initiative” pour des petits véhicules abordables. Bien exécuté, ce plan pourrait résoudre deux défis de la transition vers l’électrique : des prix raisonnables pour les consommateurs et une compétitivité accrue pour l’industrie.
La demande pour les petites voitures électriques est importante mais reste largement inexploitée, en raison du peu de modèles disponibles. Pour les Européens, le principal frein à l’adoption de l’électrique est le prix d’achat. En moyenne, les consommateurs sont prêts à payer 20 000 euros maximum pour une voiture électrique.
L’industrie réagit peu à peu. Les constructeurs commencent à lancer de nouveaux modèles abordables, comme la Twingo de Renault ou l’ID Polo de Volkswagen (prévue l’année prochaine). Ces voitures seront un succès, à condition qu’elles se vendent en masse. Cela générera des profits pour les constructeurs et permettra de démocratiser l’électrique au-delà des ménages aisés cherchant un second véhicule.
Valoriser ce segment des petites voitures électriques pourrait être la clé pour retrouver les niveaux de production pré-Covid. Selon une étude de la Commission européenne sur laquelle T&E a été consultée, une stratégie ciblée sur ce segment pourrait permettre de vendre, chaque année, jusqu’à 1,5 million de véhicules électriques supplémentaires dans l’UE. Cela pourrait également créer près de 120 000 emplois.
La voie à suivre pour l’UE est claire. Les petits véhicules électriques abordables doivent être efficients, sûrs, compacts, et fabriqués en Europe avec des batteries européennes. Leurs prix, compris entre 15 000 et 20 000 euros, permettraient d’être aussi bon marché que les équivalents thermiques.
Pour réussir, cette stratégie devrait s’appuyer sur une plateforme pour les véhicules électriques abordables, en utilisant une partie des revenus de l’ETS 2 afin de soutenir la production de ces modèles en Europe. En garantissant une demande pour des millions de voitures, cette plateforme donnerait de la visibilité aux constructeurs pour investir dans ces véhicules dont le taux de marge est plus faible. L’étiquetage des voitures devrait être revu pour aider les automobilistes à identifier ces modèles « Made in Europe ».
En complément, les États membres devraient renforcer cette stratégie à travers des incitations fiscales, des aides à l’achat, et un leasing social, afin de rendre les petites voitures électriques moins chères que les modèles essence pour les foyers à revenus modestes et les classes moyennes.
Mais d'autres idées risquent d'entraîner cette stratégie de développement petites voitures dans une dangereuse dérive. Certains constructeurs automobiles réclament la création d'une nouvelle catégorie de petites voitures, une sorte de version européenne des « Kei-cars » japonaises. Ce n'est pas la bonne solution : des modèles comme la Citroën Ami sont déjà vendues en Europe. En outre, elles perpétuent le modèle de la voiture individuelle en ville, au moment où il faut au contraire réduire la place de l'automobile afin d'offrir plus d'espace pour les piétons, les cyclistes et les transports publics. Se concentrer sur les Kei-cars serait également une stratégie industrielle malavisée qui profiterait aux constructeurs chinois et japonais qui les produisent depuis des décennies.
La proposition visant à geler les exigences réglementaires pour une large gamme de petites voitures représente un danger encore plus grand. La Commission s'est montrée ouverte à cette approche. Cela signifierait que les petites voitures, principalement conduites par des Européens à faibles revenus, deviendraient moins sûres que les véhicules plus grands et plus haut de gamme. Il n’est pas question d’avoir un double standard en matière de sécurité routière.
Dans le même temps, l'industrie automobile fait également pression pour obtenir des super crédits pour les petites voitures électriques afin d'atteindre ses objectifs en matière de baisse des émissions de CO2. Il s'agit là d'un cadeau fait à l'industrie : en comptant chaque petite voiture électrique comme plusieurs ventes, les crédits lui permettraient de vendre moins de voitures électriques et davantage de véhicules gourmands en carburant.
Le succès de l'industrie automobile européenne dépend des petits modèles de véhicules électriques grand public tels que la VW ID. Polo, l'ID.1, la Renault 5 et la Twingo, qui sont déjà disponibles ou le seront bientôt, et qui sont conçus pour répondre aux normes automobiles européennes actuelles.
Il y a 20 ans, pour dynamiser les ventes de sa supermini Clio, Renault lançait sa fameuse pub avec Thierry Henry. Dans une série de spots télévisés, le footballeur expliquait que « moins, c'est mieux ». Aujourd’hui, une initiative européenne en faveur des petites voitures pourrait donner un coup de pouce similaire aux ventes de véhicules électriques grand public et aider les constructeurs automobiles à doper leurs ventes. Mais cela ne doit pas se faire au détriment des objectifs en matière de sécurité et d'émissions.
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