• Taxer les vols en jets privés: €660 millions de recettes pour le gouvernement d’ici 2030

    Une taxation plus punitive des jets lèverait des fonds à investir dans la décarbonisation de l'aviation. Mais seuls les vols en jets neutres en carbone devraient être autorisés en France après 2030, propose le groupe Transport & Environment (T&E).

    En imposant une taxe sur les billets et le kérosène, le gouvernement français pourrait générer des recettes d’au moins €660 millions d’ici 2030, selon des nouveaux calculs de T&E (1). Pour tenir compte de l’impact disproportionné des jets privés sur le climat, le groupe propose une taxe sur les vols et le carburant. La taxe sur le carburant serait celle proposée par l’Union Européenne sous la directive européenne sur la taxation de l’énergie (2). S’inspirant de la taxe sur les billets proposée par la Convention Citoyenne pour le Climat, la taxe sur les vols serait échelonnée en fonction de la distance de vol (3)

    Les propositions de taxation de T&E généreraient des revenus qui pourraient être utilisés pour financer la décarbonisation de l’aviation. Le gouvernement doit donner la priorité aux carburants d’aviation durables comme le kérosène synthétique et aux avions à zéro émission pour l’aviation commerciale, qui reste responsable de la majorité des émissions du secteur. 

    Les super riches, qui semblent inconscients de leur impact sur la planète, ont un moyen de payer une partie de leur dette environnementale envers la société. Taxons ces jets et investissons les recettes intelligemment pour diminuer au plus vite l’impact environnemental de l’aviation. Cet acte justifié verrait nos milliardaires et politiques financer l’aviation verte de demain”, explique Jo Dardenne, directrice aviation chez T&E. 

    Jusqu’à présent, la régulation en France autour des jets privés a été largement insuffisante (4). De plus, les propositions européennes autour de la directive sur la taxation de l’énergie sont très incertaines et l’avenir de cette taxe est en question. À moins que le gouvernement français n’agisse pour mettre en place une taxe sur les billets, les jets privés continueront donc à bénéficier d’un régime fiscal injuste. 

    L’inclusion des jets dans le mécanisme européen du marché du carbone, comme proposé par le ministre délégué Clément Beaune, ne suffira pas, car le prix incitatif n’est pas assez élevé pour décourager l’utilisation des jets privés ou encourager l’utilisation d’alternatives de transport moins polluantes. Le secteur mérite d’être adressé par des régulations spécifiques au vu de la richesse des utilisateurs de ces jets privés.  

    C’est pour cela que, sur le long-terme, le gouvernement français doit interdire les jets privés utilisant du kérosène après 2030. Comme ces jets sont majoritairement utilisés sur des liaisons de courte durée, ils conviennent parfaitement aux futurs avions à neutralité carbone. Les avions à hydrogène et électriques ne transporteront en effet, dans un premier temps, qu’un petit nombre de passagers sur de courtes distances. T&E préconise donc l’utilisation obligatoire d’avions à neutralité carbone après 2030.  

    L’utilisation des jets privés en France est disproportionnée par rapport à ses voisins européens. L’étude montre que la ligne la plus polluante reliant un aéroport français en 2019 était le trajet Moscou Vnukovo – Nice Côte d’Azur. Les 774 vols sur cette ligne en 2019 ont engendré 17458 tonnes de CO2. La ligne la plus fréquentée en 2019 était Paris-Genève, avec 3044 vols pendant l’année. Au total, les vols  partant de France ont causé l’émission de non loin de 400000 tonnes de CO2 en 2019. 

    C’est une voie à une seule issue pour les jets privés: soit ils se mettent au ‘vert’, soit ils disparaissent. Quand on voit que le trajet le plus populaire est Paris-Genève, où une alternative en train existe, on peut véritablement remettre en cause la pertinence de ces déplacements. Il est temps pour les jet-setteurs de faire partie de la solution et non pas du problème”, conclut Jo Dardenne. 

    Note aux éditeurs:

    (1)  Les recettes ont été calculées sous l’hypothèse d’un trafic aérien privé égal à celui de 2019 sur la période 2023-2029. Les vols militaires et médicaux sont inclus dans ces chiffres, mais ne représentaient que 4% et 9% des mouvements européens en 2019, respectivement. En comparaison, le nombre de vols privés en juin 2022 était 21% plus  élevé qu’en juin 2019 (Eurocontrol data snapshot 12 July 2022). Nos estimations de consommation de fuel – et donc de recettes fiscales – sont donc conservatives.

    (2) Cette directive propose un niveau de taxation minimum de 10,75 € par GJ de kérosène, ou 0,38€ par litre, qui entrerait en application en 2023 pour l’aviation privée.

    (3)  Le taux proposé serait de 0.6 €/km, avec un minimum de 360€ pour les vols de moins de 600 km. La Convention Citoyenne pour le Climat avait proposé une taxe de 360€ pour les vols de moins 2000 km et 2000€ pour plus de 2000 km, mais une taxe proportionnelle à la distance permet de pénaliser les vols plus longs et polluants. 

    (4) Seul le carburant des avions de loisirs, représentant une très petite partie des vols privés en France, est soumis à une taxe similaire à celle du carburant des voitures.